vendredi 24 juillet 2009

Premiers signes - Léo

Heureusement, il y avait Léo. Au moment du remplacement des machines et les jours suivants il avait eu la bonne idée de ne pas être là. Léo était chargé de la coordination d’une équipe de deux personnes à l’étage au-dessus du mien et ce jour-là il était en mission à Singapour, nous avions beaucoup travaillé ensemble lors de mon arrivée sur le projet. Dès le départ le courant passait bien car nous avions des méthodes de travail complémentaires, j’étais chargé de développer un outil pour sa petite équipe et lui gérait la définition du besoin. Du « quick & dirty » qui me plaisait bien, mais très décrié dans notre milieu car souvent inadapté aux nouvelles technologies et aux projets de grande taille. Peu à peu, café après café, nous avons sympathisé et, comme souvent, nos principaux sujets de discussion tournaient autour de nos collègues… nous passions en revue les aigris, les incompétents, les emmerdeurs, les psychorigides, les bonnes pâtes qui peuplaient les étages de notre petit bâtiment paisiblement assoupi à l’ombre des tours.
Léo est rentré de mission un matin alors que les premiers signes avaient commencé à m’inquiéter chez certains, sans que j’ai pour autant identifié ce qui se passait réellement. Les jours qui suivirent nous avons parlé du nouveau café, bien sûr, et des commérages habituels, sans oublier de critiquer vertement la stratégie inexistante de la direction sur la gestion du projet dont nous n’étions que des rouages mineurs. Je me souviens très bien aujourd’hui, que, bien que nous fussions bien incapables d’envisager ce qui allait venir, nous avions évoqué à plusieurs reprises une ambiance étrange et vaguement léthargique. Par la suite, nous identifiâmes les premières victimes, sans comprendre clairement le lien entre elles, nous réalisâmes peu à peu que tout cela ne pouvait être un hasard. Devant l’air hagard et stupide que prenaient certains dans la contemplation du gobelet vide, il devenait évident qu’un phénomène général d’effacement des uns et des autres se produisait sous nos yeux. L’inquiétude nous gagnait, en même que l’étonnant sentiment de l’immunité qui nous protégeait manifestement. Nous prîmes l’habitude de nous faire part mutuellement de nouvelles observations par mail : « Ca y est, Loïc est passé coté zombies », « Hélène a chopé le syndrome du gobelet ». Nous cherchions peu à peu ceux qui comme nous ne plongeaient pas dans les profondeurs vénéneuses du nouveau café. Inexorablement, les uns après les autres, nos collègues sombraient. Nous commençâmes alors à chercher une explication à l’incompréhensible, nous décidâmes, avec nos moyens, de mettre en place un protocole d’analyse du phénomène. Quand la « zombification » gagna la hiérarchie, étonnamment, le niveau de performance des équipes sur le projet ne s’en trouva pas affecté. En revanche, la perte de vigilance nous laissa une grande marge de manœuvre sur notre emploi du temps et nous pûmes consacrer de longs moments à l’observation et à l’étude des ombres qui nous entouraient.

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2 commentaires:

  1. Par la suite, nous identifiâmes les premières victimes, sans identifier clairement de lien entre elles, tout en réalisâmes peu à peu que tout cela ne pouvait être un hasard.
    Tout en réalisant ou alors nous réalisâmes

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  2. merci "anonyme"...correction faite!

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