dimanche 4 octobre 2009

Garde fou

Je me suis réveillé sur un samedi lumineux déjà bien avancé. Un soleil franc venait de la fenêtre s'écraser sur mon lit me berçant d'une langueur inattendue. Pendant quelques minutes la nuit passée ne m'est apparue que comme un cauchemar un peu trop proche, mais sa réalité a fini par s'imposer dans l'effervescence de quelques cachets appropriés accompagnés d'un café serré. J'aurai pu alors me jeter sur des cartons de photographies de famille afin de vérifier si mon histoire révélait les mêmes lignes morbides que celle de Léo. Mais par chance, je n'avais rien de tout cela chez moi : pas de photos de familles en dehors de quelques images de Lucie et Selma, que j'avais toutes deux vues la veille.
Que ce fut par la volonté d'un dieu moqueur et immature de casser ses jouets, par un effet collatéral du délabrement de mes neurones sur mon psychisme, ou par toute autre cause inconnue de moi même, il était évident que mon monde se délabrait et que ma santé mentale ne valait plus bien cher. A ce niveau de l'épidémie, ce qu'il me restait de lucidité et de capacité de survie devenait extrêmement précieux et le soleil salvateur qui se répandait dehors me le rappelait discrètement. Je perdais mes repères, il me fallait donc assurer certains refuges, suivre certaines lignes comme autant de fils d'Ariane, dans un monde ou le minotaure avait un visage gris et prenait possession de toutes les vies, de tous les corps.
C'est en me faisant ces réflexions, dans les céphalées résiduelles d'une nuit éthylique, après que des éléments nouveaux et incohérents se furent ajoutés au matériau du réel, que je décidai d'entreprendre un travail qui serait désormais mon garde fou et mon refuge : je voulais photographier de manière systématique un maximum de personnes de mon entourage, de mon immeuble, de ma rue et de mon travail, afin de constituer la plus grande collection de portraits possible. Je ferai de mon vieux boitier, l'outil de ma connaissance des ombres et des vivants. A défaut de comprendre, au moins aurai-je une trace des regards, des peaux et des attitudes de l'humanité glissante de ce bas monde

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