vendredi 7 août 2009

Autour du cou

Un jour que j’errais dans les rues sans but apparent, tantôt perdu dans de sombres pensées, tantôt scrutant les visages des passants à la recherche de ce qui en avait disparu, mes pas me menèrent devant un long mur de béton surmonté d’une grille. Cet endroit m’était familier et je réalisai qu’évidemment je n’étais pas là par hasard. J’avais quitté le travail plus tôt qu’a l’accoutumé, et sans en avoir réellement conscience j’y étais finalement venu, malgré la peur sourde qui me rongeais. Il manquait toutefois quelque chose, j’étais comme déçu, en attente, je poussai jusqu’à la grande grille d’entrée et levai les yeux. A travers les barreaux gris je vis le long bâtiment, les intérieurs colorés au travers de quelques fenêtres, des choses multicolores ternies peintes sur les murs et une large cour de bitume. Je ne sais combien de temps je suis resté là à regarder au travers de cette grille, jusqu’à ce qu’un vague bruissement, la sensation d’une présence me fit découvrir les ombres venues comme moi attendre ici. Ils étaient nombreux, là, les bras ballants, la mine grise, ils venaient faire ce qu’ils faisaient tous les jours. Alors seulement, après un long moment d’attente, une sonnerie retentit et la clameur monta lentement de l’intérieur de l’école, les enfants sortirent bruyamment, traversant le préau puis la cours et je sentis mon cœur s’emballer. Elle était là, parmi ces petits démons qui semblaient tout ignorer de la contamination, zigzagant dans la cohue, les yeux braqués vers la sortie, si déterminée que j’en étais bouleversé. Quelques instants elle chercha sa mère, nos regards se croisèrent, elle s’arrêta, cria quelque chose et vint en courant se jeter sur moi comme pierre. Je la serrais en pleurant comme si toutes ces histoires de contamination et d’ombres n’avaient d’autre sens que celui qui me menait ici, près de ma fille et de ses petits bras serrés autour de mon cou.
Quand mes yeux virent à nouveau, sa mère était là aussi, regard indéfinissable mais subtil, clair, sans autre ombre que celle que je semblais y projeter moi-même par ma seule présence. Je n’avais jamais cru sérieusement les perdre toutes les deux, mais croire n’est pas grand-chose. Je savais désormais. Ma petite famille était toujours là, même brisée par un passé chaotique, claire parmi les ombres. J’étais bouleversé, presque heureux, et ne réalisai que plus tard le tragique spectacle de ces petits êtres, vivants, qui rentraient chez eux lentement en tenant une ombre par la main.

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